Caméléon
Davida Kidd. Image numérique montée sur carton mousse, base en bois ancien, pièces de plastique. 2023
L’œuvre Caméléon représente une synthèse d’influences culturelles multidimensionnelles, chacune accompagnée de ses propres traditions, rites et récits. Puisant à l’iconographie de deux cultures, j’ai choisi des éléments qui avaient une résonance pour moi afin d’explorer les thèmes de l’identité, de la migration et des interactions complexes entre la tradition, l’adaptation, l’intersection et la divergence.
Mes ancêtres paternels ont quitté l’Irlande pour s’établir dans le Canada. La famille juive de ma mère est venue de la Russie, de la Pologne et de l’Autriche et s’est installée dans l’état de New York. Tout cela dans la deuxième moitié du 19e siècle. J’ai toujours senti que mon identité était plurielle, même si ma famille insistait plutôt sur l’aspect privilégié de nos antécédents « britanniques ». Mais je nageais dans un ragoût dont les nombreux ingrédients m’avaient été transmis par les anecdotes et les dispositions culturelles. Certaines personnes peuvent mettre plusieurs générations après l’immigration pour se dire tout simplement canadiennes.
Cette œuvre présente une figure féminine qui symbolise à la fois ma mère, mes deux grands-mères et moi. À l’arrière-plan, l’image floue d’un livre de prières juives (le Siddour). La femme tient entre ses doigts la deuxième lettre de l’alphabet hébreu, Beth, qui représente le chiffre 2 et évoque l’éloignement de l’unité absolue au profit de la dualité. Cela me semblait une expression juste de ma double identité culturelle. La figure tient aussi une momie qui provenait d’une tombe à Louxor achetée durant la Seconde Guerre mondiale par mon grand-oncle irlandais dans un marché égyptien. Mon grand-oncle a servi à l’hôpital général canadien no. 7, au Caire. En 1922, il a donné au musée de Vancouver. Je démêle l’histoire du petit garçon, nommé Panechates, alors que je tiens sa dépouille toujours. J’ai changé une lettre dans son nom pour évoquer la mutation des noms lors de l’immigration. La caricature de l’oiseau sur mon bras symbolise un porte-parole colonialiste. Les chèvres qui sautent au-dessus de la figure sont tirées des armoiries irlandaises de la famille Kidd. Il existe plusieurs blasons pour le patronyme Kidd, dont celui qui arbore la devise « Étonné par rien », que j’ai toujours interprétée comme « Rien ne manque de m’étonner » ou « Tout est possible », même ce qui semble impossible ou illogique.
Je porte beaucoup de fragments et d’histoires venus des deux côtés de ma famille. Cette œuvre représente ces fragments, ces détails incomplets, ces liens coupés et la perte de traditions culturelles découlant du mélange de nationalités.